VIJNANA-BHAIRAVA

LA DIVINE CONSCIENCE

Un extrait des versets 1 à 15
 

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Extrait :
 

1

Bhairava désigne la réalité suprême.

Bhairavi, dans sa quête de la vérité, demande à Bhairava, de lui enlever le doute.

Le doute est le reflet de la conscience du faux.

La vision du faux trouve sa source dans la conscience du vrai.

Le vrai n'est pas différent de ce que nous sommes. C'est pour cela que le seul effort demandé à l'aspirant est celui de la remémoration. Il ne s'agit pas là de la remémoration du passé, mais de l'éveil à la mémoire de ce que je suis. Cette mémoire ne fait pas appel au mental, mais à l'intuition directe de notre parfaite complétude, qui n'appartient pas au devenir, mais à la réalité de l'instant.

2-4

Le concept n'est pas la réalité qu'il désigne.

Le mental crée une forme de ce qui n'en a pas.

La forme est ensuite considérée comme la réalité.

La vision du monde est ainsi déformée par le mental pensant.

La pensée est réductrice. Elle fige ce qui ne peut être figé. Elle limite ce qui n'a pas de limite. Elle décrit l'indescriptible.

Un tel constat amène l'abandon de l'intelligence conceptuelle au profit de la vision directe.

La vision directe voit, mais ne décrit pas, sait, mais ne connait pas, comprend, mais n'analyse pas. Elle est l'outil qui permet à la perception d'émerger dans la conscience, sans distorsion, sans commentaire, et sans interprétation. Cette qualité de regard permet l'éveil d'une forme d'intelligence qui n'est pas conceptuelle, pouvant être qualifiée d'intelligence du coeur ou de vision d'amour.

5-6

Quelle est la relation du multiple et de l'unique ?

La multiplicité correspond aux expressions infinies de la vie.

L'unité est ce qui sous-tend la multiplicité.

De même que les pensées sont infinies dans leur expression, elles trouvent toutes leur origine dans le silence.

Le silence contient la multiplicité.

Il est un, non divisible et non séparé.

C'est de lui que vient le désir de retrouver sa vraie maison, le lieu du repos sans contrainte, de la lumière sans obscurité.

C'est vers lui que tendent les multiples désirs.

Il est, par nature, non-désir, non-vouloir et non-savoir.

7-10

La pensée est par nature limitée. Elle donne une image figée de ce qui est en perpétuel changement. Elle nourrit l'illusion du début, de la fin, et du devenir. Vécue comme une réalité, elle est la source de la souffrance et de la confusion humaine.

Il ne s'agit pas ici de rejeter le mental conceptuel. Le concept a l'intérêt de proposer une vision schématique de la réalité. Mais le concept n'est pas la réalité. Il n'en est qu'une expression partielle et tronquée.

Le sens de discrimination est cette faculté qui permet de reconnaître le faux. Cette reconnaissance se fait à partir du sens du vrai, propre à notre nature. L'image, la pensée et le concept sont ainsi reconnus en tant que tels. Ils peuvent alors remplir leur rôle fonctionnel de synthèse et clarification.

La non-identification est le fruit de l'observation. Par une observation ouverte, libre d'a priori, d'interprétation et de conclusion, la compréhension s'établit dans une perspective globale.

De ce point de vue, toute pensée se réfère à une conscience observante, en laquelle la pensée apparaît et disparaît. Tel un écran de cinéma qui n'est pas affecté par les images qui se déroulent en lui, la conscience est un arrière-plan immuable et silencieux. C'est d'elle que vient l'expérience de la paix et de la tranquillité sans cause.

11-13

L'esprit a tendance à se disperser dans le monde des formes et des projections.

La concentration est utilisée afin de canaliser les énergies et de les ré-orienter.

Le concept est une forme particulière de concentration. Il est une représentation synthétique de la réalité, mais n'est pas la réalité.

La conceptualisation peut ainsi être comparée à une forme de discipline. Elle permet au mental de s'ordonner, et de présenter la réalité sous une forme descriptive aussi proche que possible de ce qu'elle est.

Lorsque le concept a bien été saisi, dans ses possibilités et dans ses limites, il peut être abandonné.

Ne reste alors que la réalité vers laquelle il pointe.

14

La parole pointe vers le silence dont elle est issue.

Elle est le messager du silence, son expression dans le monde de la forme.

Toute tentative de décrire ce que nous sommes se heurte au fait que la pensée et la parole ne peuvent décrire l'indescriptible. Elles doivent donc être considérées comme des flèches pointant vers ce que nous sommes, mais non pas confondues avec ce vers quoi elles pointent.

Le temps et l'espace sont créés par la pensée. Lorsque l'esprit est aussi silencieux que le fond du lac, que reste-t-il du temps et que reste-t-il de l'espace ? La notion de localisation se dissout dans l'intemporelle présence.

Sans lieu, sans âge et sans forme, je suis.

15

Lorsque l'écoute est complètement habitée, le mental est silencieux.

Dans ce silence de l'esprit, ce que nous sommes se révèle, non pas comme un objet d'observation, mais comme l'ultime sujet.

Toute tentative de le saisir est vaine.

L'abandon est le prélude de l'ouverture à la grâce.